Oui à la distance physique, non à la distance sociale !

Un jour d’hiver, pour nous rappeler la nécessité de nous tenir à bonne distance physique les uns des autres, un spin doctor peu inspiré a murmuré à l’oreille de nos gouvernants le terme de « distance sociale ». Pas sûr que l’histoire le retienne longtemps, ou bien alors à son insu, tant l’expression semble avec quelques semaines de recul, inadaptée aux circonstances.

Nombreux l’ont déjà dit, parler de « distance physique » aurait sûrement été mieux compris de nos concitoyens. Mais surtout, en associant les mots « distance » et « sociale », on obtient le message inverse de celui qu’il faudrait adresser. Car c’est justement quand il n’est plus possible d’être physiquement en contact, que d’autres formes de relations, de liens sociaux doivent être imaginés et encouragés. Privé de ses rapports habituels avec les autres, l’Homme, animal social par excellence, a besoin de ces contacts, pour compenser la perte de proximité physique et rendre plus acceptable la situation d’éloignement. Distance physique donc, ET proximité sociale.

C’est évidemment aussi le cas au sein de l’entreprise. Plus le temps passé par un collaborateur en travail à distance est conséquent, plus l’entreprise doit chercher à recréer cette proximité dans les relations de travail. Sur le plan psychosocial, deux conditions au moins sont à réunir pour atténuer les effets potentiellement néfastes dus à la distance, en particulier sur les salariés les plus isolés :

1- Veiller à maintenir des liens de différentes natures avec chaque collaborateur (temps collectifs de travail et de partage, échanges individuels périodiques entre collègues et avec la hiérarchie)

2- Prendre en compte l’état réel de chacun en sortie de confinement. L’enjeu ne doit pas être sous-estimé. Qu’il s’agisse de baisse d’engagement dans le travail, de manque de reconnaissance, de détachement de l’entreprise, de délitement de la solidarité entre collègues, de repli sur soi et finalement, de perte de sens, les risques ne manquent pas.

Et si le digital semble être le grand gagnant de cette première manche, lui qui a su proposer des solutions collaboratives rapidement adoptées par ses néo-utilisateurs, il est probable que les outils numériques, si puissants soient-ils, ne suffiront pas à combler à eux seuls, ces nombreux risques de perte, pour les salariés et pour l’entreprise. En guise de « retour à la normale », attendu et craint à la fois, les mois qui viennent semblent en effet nous promettre davantage d’incertitude que de stabilité et appelleront des réponses à hauteur des besoins de proximité d’un corps social physiquement dispersé.

Il y a donc urgence à repenser les modèles d’organisation du travail, par ajustements ou de manière plus profonde, à la recherche de la bonne formule : celle qui parviendra à trouver le juste équilibre entre l’usage adéquat des moyens distanciels de collaboration, les temps de travail et de partage en présentiel et la vraie prise en compte de la situation individuelle des collaborateurs dans ce nouvel écosystème. 

A l’entreprise revient la responsabilité de bien comprendre les besoins de ses salariés et de ses marchés, au sortir de cette drôle de période. A chacun d’entre nous revient celle de nous rapprocher, autrement que physiquement, d’être attentifs les uns aux autres et à soi-même. Et plutôt que de nous mettre à bonne distance, cherchons à nous tenir… à bonne proximité.

Eric BERTHET
Directeur Associé

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