L’employeur est tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (article L. 4121-1 du Code du travail). A ces titres, les entreprises engagées dans des transformations profondes ou confrontées à des évènements, font parfois appel à des cabinets spécialisés pour mettre en place des dispositifs d’écoute et de soutien psychologique, à destination des salariés.
Comment ces dispositifs sont-ils perçus par ses commanditaires ? Quelles sont les croyances à l’œuvre chez les salariés concernant l’accompagnement psychologique et le rôle du psychologue ?
Les différents temps d’échange, en amont de l’installation d’un espace d’écoute, puis au gré des rencontres entre l’intervenant-psychologue et les personnes qu’il croise ou viennent le voir, permettent de percevoir et d’interroger les représentations rattachées à cette démarche et à son incarnation par un(e) psychologue.
Ces croyances émanent le plus souvent de l’image du psychologue dans l’inconscient collectif. Parmi les plus présentes, citons le « psychologue-psychanalyste », qui reçoit ses patients allongés et les interroge sur leur complexe d’Oedipe, le « psychologue-psychiatre », qui ne s’occupe que des « fous », ou encore le « psychologue devin », devant qui il ne faut dire mot, parce qu’il pourrait percer vos pensées les plus secrètes. De ces représentations naissent des questionnements, de la curiosité, parfois des craintes.
Ainsi, nous pouvons être interrogés, à raison, sur le cadre et les limites de l’exercice du psychologue dans ce type d’intervention. Ces questions témoignent dans certains cas d’une appréhension : l’intervention d’un psy au sein de l’entreprise ne risque-t-elle pas d’ouvrir la boîte de Pandore ? Ne va-t-elle pas potentialiser, catalyser des situations de souffrance au travail, plutôt que les atténuer ? La place d’un espace d’écoute est singulière, à la fois externe et interne à l’entreprise, venant dans l’intimité d’un système pour en être un acteur de la prévention, tout en préservant la confidentialité des échanges. Cette notion de « secret » peut aussi inquiéter : que fait réellement le psychologue ? Que va-t-il entendre, traduire ? Et d’ailleurs, est-ce réellement confidentiel ?
Cette dernière question est souvent présente dans les premiers temps d’installation d’un dispositif de soutien avec plus ou moins d’intensité, selon le climat social. Elle est compréhensible, dans la mesure où ce dispositif est mandaté, a minima, par la direction de l’entreprise. Les salariés peuvent donc s’interroger légitimement sur les remontées qui sont faites par le psychologue ; le psy serait-il un « indic » de la Direction ? Et lorsque ce même intervenant est sollicité par des instances sur des situations précises ou des cas particuliers, celles-ci se heurteront aux principes de confidentialité et d’anonymat qui sont essentiels pour le bon fonctionnement du dispositif. Le psy n’est plus simplement un « indic », il cache des informations et échappe à tout contrôle.
Dans ces conditions, donner le temps au dispositif de bien s’installer s’avère crucial : le temps d’informer les salariés notamment, lors de rencontres formelles et informelles, sur le rôle du psychologue, son cadre d’intervention, la nature de son activité ainsi que les limites de son action. Le temps de confronter les représentations, de dialoguer. Le temps pour chacun de comprendre le sens et l’intérêt de la démarche. Sa finalité en vaut la peine : prendre soin de soi et prendre soin des autres.
Victor REILHAC
Psychologue clinicien & Consultant chez Alterhego