Silence, on communique !

La communication comme la musique est faite de sons et de silence. Pour cela, il n’est pas seulement nécessaire de savoir communiquer pour échanger, mais c’est aussi savoir se taire pour prendre ou donner la parole. Stratégie, tactique de communication, le silence reste une denrée rare qui fait parfois peur et que nous ne sollicitons qu’avec parcimonie.

 

De façon étymologique, le silence vient du latin « silentium » soit l’absence de bruit :

Dès lors, comment en parler ? De l’absence totale de mots au bruit du néant, de l’absence de mots sans pour autant être absence de communication, entre l’explicite et l’implicite, entre le dit et le non-dit, entre silence forcé et silence souhaité, précurseur d’insécurité ou symbole de confort, le silence revêt tant de significations qu’il fait aussi peur qu’il fascine.

Dans les années 1970, il a été démontré qu’en matière de communication, seulement 7% de notre communication passait effectivement par les mots (ou communication verbale), 38% par notre voix (ou communication paraverbale) et 55% du message était transmis par notre langage corporel (autrement dit le non-verbal). C’est dire que nous communiquons donc constamment et à tout moment, mais surtout que le silence y tient une place prépondérante. En d’autres termes, le non verbal l’emporte.

De nos jours, la vie active nous laisse peu de répit. Sans cesse sollicités sensoriellement, nous vivons dans un monde où la verbalisation devient la règle, laissant peu de place au silence à tel point que parfois, il devient très difficile pour certains de supporter cette pause. Pour preuve, il ne faut que quelques secondes parfois pour que le dialogue soit repris automatiquement. Est-ce la peur du vide qui engendre le silence ? Le silence est-il synonyme d’angoisse ou de mort dans notre subconscient ?  Il renvoie chacun à son rapport avec le néant, l’inconnu, l’indicible, voire la solitude et parfois la mort, cette impensable infinitude. L’être humain n’aime pas le vide et dès qu’il s’y confronte, il se sent « contraint » de le combler. Cette « béance de communication » lui paraît pesante, troublante voire gênante.

Polysémique, le silence peut être selon le cas, le signe d’une approbation, d’une respiration, d’une hésitation, d’un malaise, d’un refus de communiquer. Il peut être considéré comme un instrument de menace et de pression. Chronométré, il reçoit une qualification, basée sur l’impression qu’il laisse chez les inters actants.

Si de prime abord, parler de silence nous renvoie à l’introspection lors d’une méditation ; une autre définition nous explique que le silence est, dans son sens originel, l’état de la personne qui s’abstient de parler. Ce n’est pas pour autant un mutisme.

Ne nous a-t-on pas appris lors de notre plus jeune âge qu’il faut « faire silence », pour permettre au groupe de se calmer et se mettre en position d’écoute ?

Pour autant le silence n’est pas fait de silence. Il n’est pas non plus un temps mort. Tout comme l’ombre n’apparaît pas sans lumière, le silence ne peut exister qu’en présence de son contraire, le bruit.

Sa valeur peut sembler être supérieure à celle de la parole. En effet, s’il est important de maîtriser le langage, savoir se taire est un signe de sagesse. Le contrôle de soi passe alors par la maîtrise de la parole, mais aussi par la maîtrise des périodes de silence, on se retrouve ici dans un langage qui est différent de celui des mots. Faire silence ou utiliser le silence, c’est avant tout se centrer sur son propre équilibre, raccorder sa tête à son cœur, le cognitif au sensitif, structurer plus clairement sa pensée, développer son intuition, mettre ses sens en éveil et surtout de ne pas être perturbé par les éléments extérieurs.

Utiliser le silence dans sa relation à l’autre, c’est avant tout faire preuve de respect, de compréhension envers l’autre et d’humilité. Il est important dans une relation thérapeutique de savoir en faire usage à bon escient.

 Pour autant, il est à manier avec beaucoup de précautions car sa « force et son potentiel » recèlent les défauts de ses qualités de communication. Il peut en effet interférer avec d’autres signes tels que le type de relation interpersonnelle, la culture de chaque individu et le contexte de communication.

Il y a un temps pour parler et un temps pour se taire...

A l’opposé, se sentir écouté en silence, sans se sentir jugé, ni interrompu... juste écouté, permet également de cheminer dans la réflexion personnelle : trouver la solution avec soi-même, voire d'être soulagé, vidé du "poids de ses inquiétudes"….

Savoir écouter ; savoir se taire et laisser les autres se découvrir, permet finalement de trouver les bons mots et la bonne synthèse qui pourra enrichir le débat ou la problématique. Le silence devient alors une façon de s’exprimer ou d’acquiescer.

Qui ne dit mot consent … Si parfois la parole et ses mots compli-mentent, le silence quant à lui, ne sait pas mentir et s’invite alors pour apaiser les tensions. Il nous relie au présent et nous unit aux autres…tel un alter ego.

Véritable pas-sage de l’un à l’autre, le silence dans la relation, permet, pour le bien de chacun,  d’exister, entre l’extériorisation de la pensée par la parole et l’intériorisation que le silence suscite.  C’est aussi une façon de faire place à l’altérité et ne pas prendre le risque de l’annihiler sous la chape d’un « bruit » incessant, tout en s’empêchant de penser.

Dès lors, le silence peut alternativement être vécu comme accompagnateur, soutenant, enveloppant, mais également méprisant, excluant, agressif.

Ce délicat équilibre, résultat d’un juste dosage, peut se rompre à tout instant à trop parler, ou trop se taire, mais aussi à vouloir percevoir ce qui n’est pas dit ou au contraire à ne pas entendre ce qui est pourtant clairement exprimé.

Roland Narfin

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