Restructurations : impacts psychologiques & prévention des RPS

L’impact psychologique d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi sur les salariés n’est plus à démontrer. C’est désormais une donnée intégrée par l’employeur au moment d’annoncer un projet de restructuration : les risques psychosociaux entrent dans son l’obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs (L.4121-1 du code du travail), en mettant en place des actions de prévention adaptées. Quels sont ces risques et comment les identifier en amont, alors que le projet n’est pas encore dévoilé ? Le sujet est complexe, mais il faut bien faire avec. Eclairages sur les impacts humains et les moyens de réfléchir à une politique de prévention, dans la phase de préparation d’un projet.

Des risques pour les partants… et pour les restants.

L’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) a réalisé une grille d’évaluation des RPS que les juges prennent aujourd’hui comme référence. La démarche englobe des actions d’identification et de catégorisation des risques et aussi de mise en oeuvre d’actions de prévention.

Elle répertorie les facteurs de risques, parmi eux : l’intensité du travail, les horaires, les rapports sociaux, le niveau d’autonomie, l’exigence émotionnelle ou encore les conflits de valeurs ou les préoccupations liées à l’avenir.

Ces facteurs de risques sont évidemment présents dans les contextes de PSE. Mais s’il est évident que l’impact est important pour les salariés directement touchés par une suppression / modification de poste, il ne faut pas minimiser celui qui concerne ceux qui restent dans l’entreprise. Récupérer la charge de travail de collègues qui s’en vont et les voir quitter l’entreprise, devoir supporter un climat de tension ou se poser la question de son propre avenir – « serai-je le prochain sur la liste ? » - sont autant de sources de stress, d’angoisse, de démotivation ou de perte de sens. Ces risques majorés pour la santé, sont consubstantiels aux projets de transformation et aux modifications soudaines qu’elles imposent dans l’organisation du travail et à leurs salariés.

Bien sûr, l’impact psychologique lié à une restructuration est propre à chacun(e) et varie selon sa situation professionnelle ou sa capacité de résilience. Pour certains, il peut même être positif, en donnant l’opportunité de réaliser un projet personnel. Mais il agit, d’une manière ou d’une autre, sur l’ensemble du corps social.

Ce n’est donc pas sans raison que la question de la prévention des RPS prend de plus en plus d’ampleur dans la préparation d’un projet de transformation et tout au long de la procédure.

Des contrôles avisés

Ainsi, l’évaluation des RPS et celle des moyens prévus pour y faire face sont davantage scrutés. Par les IRP d’abord, par le biais d’expertises externes dédiées au sujet. Par l’autorité administrative ensuite, à qui il incombe de vérifier que l’employeur respecte bien – ou non - ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Par le juge administratif enfin, désormais compétent (décision du Tribunal des conflits du 8 juin 2020) pour contrôler ces mesures, dans le cadre d’un PSE.

Evaluer les risques pour les prévenir : un exercice complexe mais pas impossible

Chacun attend donc de la Direction d’une entreprise, qu’elle ait planché sur les impacts psychosociaux avant d’annoncer un projet de restructuration. Pour autant, côté employeur, la traduction de ces attentes dans le réel s’avère complexe :  le projet est confidentiel par nature et devra le rester jusqu’à son annonce officielle, sauf à s’exposer au risque juridique de l’entrave ou à celui des rumeurs incontrôlables qu’«il se prépare quelque chose». Dans ces conditions, comment procéder ? Voici quelques pistes pour agir :

  • Avant tout, traiter cette étape avec sérieux, tout en acceptant qu’elle produira un résultat imparfait :  faute de pouvoir s’appuyer sur les ressources habituelles de l’entreprise, le cercle restreint de l’équipe-projet, avec l’aide d’experts externes (avocats, cabinets spécialisés), devra produire lui-même la matière nécessaire à documenter le L1 (c’est-à-dire la partie concernant les mesures d’accompagnement social envisagées), sans disposer de repères méthodologiques ou jurisprudentiels évidents.
  • L’analyse de la charge prévisionnelle de travail devra être au centre des attentions et faire l’objet de projections « réalistes ».
  • Les besoins prioritaires des salariés en matière de prévention des RPS devront être définis, en s’appuyant à la fois sur des situations réelles comparables et les spécificités du contexte.
  • L’état des lieux de l’existant en matière d’actions de prévention des RPS devra être réalisé. Il pourra servir de base à la conception d’un plan de prévention renforcé, ajusté aux besoins des salariés dans la période et ajustable.

La tâche est complexe donc, mais elle est à la hauteur de ses enjeux humains.

Eric BERTHET

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