Éric Berthet, directeur-associé du cabinet de conseil en ressources humaines Alterhego, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux et le développement de la qualité de vie au travail, répond à nos questions.
Une entreprise peut-elle mener de front une politique de prévention des risques psychosociaux (RPS) et de développement de la qualité de vie au travail (QVT) ?
Il ne s’agit pas, comme on l’entend parfois, des deux faces d’une même pièce. Les RPS et la QVT prennent en compte des dimensions différentes. La prévention des RPS serait, en quelque sorte, la version défensive de la santé au travail. La QVT serait, quant à elle, la version offensive du « être mieux dans son travail ». L’enjeu pour l’entreprise est de trouver le juste équilibre entre prévention des RPS et développement de la QVT. Il lui faut donc mener les deux de front, sachant qu’au sein d’une même entité, des politiques différentes pourront être appliquées (selon le service, le département, etc.) si les équipes qui y travaillent ne vivent pas les mêmes situations.
Comment fait-on pour trouver ce juste équilibre ?
En partant de la question « comment ça va au travail ? » et de ses développements, il va s’agir de poser un diagnostic sur l’état psychosocial de l’entreprise et d’évaluer les besoins en accompagnement et en soutien des personnes. A partir de là, on pourra déterminer si la nature des besoins détectés renvoie plutôt à une politique de QVT ou à des mesures de prévention des RPS.
L’organisation du travail est en train de changer profondément. Dans ce contexte,qui peut être perturbant pour les équipes, comment réussir à mettre en place une stratégie RPS gagnante ?
En optant pour la mise en place d’une politique qui va prendre en compte la dimension systémique de la question. Une véritable politique de prévention va agir sur trois niveaux d’enjeux. Le premier de ces enjeux est d’éviter de produire des risques. Cela consiste à mettre en place des actions de nature structurelle, au sein de l’entreprise et d’adopter des comportements propres à éviter la survenue de troubles pour la santé psychique et mentale : organisation du travail cohérente, rôles et responsabilités clairs dans l’entreprise, management responsable, communication interne éclairante, etc. Malgré tout, quand des risques sont présents, il faut être capable de traiter ces situations. C’est là où se situe le deuxième enjeu. Voilà pourquoi la question du niveau de préparation des acteurs est essentielle. D’où toute l’importance de la formation aux RPS par exemple, pour que les personnes sachent comment réagir face à des situations à risque (où qu’elles soient en capacité de les anticiper). Enfin, le troisième enjeu concerne la question du soutien. Dans toute organisation de travail, même la mieux pensée, il peut y avoir des personnes en situation de souffrance. Il faut pouvoir les soutenir pour éviter les effets délétères. Y répondre par la simple mise en place de hot-lines s’avère peu opérant. Dans ce cas, il est préférable de proposer un véritable dispositif de soutien, comprenant l’intervention - plus ou moins longue - de psychologues au sein même de l’entreprise, une ligne téléphonique permanente et la participation des psychologues aux instances internes de prévention, pour renforcer la co-vigilance.
Finalement, c’est quoi être bien/mieux dans son travail ?
Deux questions essentielles sont à prendre en compte : comment bien faire son travail et comment bien le vivre. On peut être un excellent professionnel, mais exercer dans un environnement de travail difficile et ne pas s’y épanouir ou inversement se sentir très bien dans son environnement de travail, mais exercer dans une structure qui ne permet pas de valoriser son talent. Ces deux situations peuvent être productrices de risques psychosociaux. C’est pourquoi, il est primordial de travailler de manière simultanée sur ces deux dimensions.